Lettre ouverte au président de la HAT (communiqué)

Publié le par rovahiga

« Lettre ouverte au président de la HAT, SE Monsieur Andry Nirina Rajoelina et au Premier Ministre de la HAT, Monsieur le Général de brigade Camille Albert Vital,

Messieurs,

Vous aviez fustigé, Monsieur le président, pendant votre récente intervention radiotélévisée, en préambule à votre annonce de ne pas vous présenter aux prochaines élections présidentielles, tous les dirigeants passés de ce pays pour n’avoir jamais rien fait que d’entraîner le peuple malagasy dans la misère, jusqu’au point où nous en sommes actuellement. Autrement dit : comme le pays est dans un piteux état (irrécupérable) par la faute de tous les anciens dirigeants qui ont tous mené le pays dans un gouffre, alors, je décide de ne pas me présenter… »

« Apparemment, à cause de ces « catastrophes par la faute des autres d’avant », vous déclarez forfait ! Mais quelle est donc votre mission au poste que vous occupez actuellement si ce n’est pas pour, du moins, essayer de redresser la situation ? Votre rôle est-il uniquement de faire un pont entre le gouffre et l’inconnu, l’à peu près, l’incertain ? Il est facile de balayer d’un revers de la main cinquante ans d’histoire de son propre pays, de traiter tous les dirigeants successifs d’incapables, ce faisant, de créer des animosités entre les générations, en donnant des préjugés unilatéraux comme éducation sur l’histoire de Madagascar à la génération montante, sans pour autant démontrer en quoi vous êtes meilleur que « tous ces autres d’avant ». Cela est à la fois arrogant et prétentieux. Nous voudrions bien croire en votre supériorité par rapport à « ceux d’avant », mais pour l’instant, faute de preuve, nous ne pouvons pas. Quel est votre bilan ? Avez-vous enrayé la pauvreté à Madagascar par une augmentation du taux de croissance ou par le rehaussement du niveau de vie des malagasy ? Avez-vous amélioré le sort des fonctionnaires ? La corruption a-t-elle diminué ? Avez-vous inauguré des infrastructures qui n’aient pas été initiées par vos prédécesseurs ? Le sort de tout un pays n’est d’ailleurs pas imputable à une seule personne. Nous sommes tous responsables chacun à notre niveau, y compris vous-même. Andry Rajoelina n’est pas né sous le régime d’Andry Rajoelina. Reconnaissez-le, vous ne seriez pas devenu ce que vous êtes maintenant sans les régimes précédents qui vous ont façonné. »

« Escamoter l’histoire, accuser tous les dirigeants de tous les torts est-il digne d’un malagasy ? D’un ray-aman-dreny ? D’un homme d’État ? Un vrai homme d’État assume son histoire, toute son histoire, bonne ou mauvaise, car l’histoire façonne le pays. Elle en fait partie intégrante. C’est en l’étudiant, en l’analysant, sans préjugés, que vous apprendrez à connaître vraiment notre pays avec les aspirations de son peuple, et penser à un avenir qui lui conviendrait. C’est à partir de là que vous pouvez construire un projet de société valable. Ne présenter que des « feuilles de routes » qui ne se reposent pas sur un vrai projet de société, c’est sauter le pas à l’essentiel. Il n’est pas étonnant que cela n’aboutisse à rien. La France, que vous admirez tant, a connu sa révolution en 1789 pour sa libération du joug de la monarchie absolue, il y a de cela 221 ans, mais les vicissitudes de l’histoire ont fait que la liberté, telle qu’elle est aujourd’hui, ne s’est acquise que très durement, petit à petit, au prix de beaucoup de sacrifices, entrecoupée de deux guerres mondiales. En tout cas, les français assument aussi bien les croisades du moyen-âge, que la période coloniale, comme la période postcoloniale. Les allemands assument aussi bien la période nazie que la construction pionnière de la Communauté Européenne, les italiens assument aussi bien la période fasciste et le passé vécu avec la mafia que l’entrée en démocratie, les américains du nord ont eu dans leur histoire le Mac carthysme, l’Afrique du sud l’apartheid qu’ils ont dépassé à travers la commission vérité et conciliation. Tous les grands pays ont eu leurs hauts et leurs bas, ce qui n’empêche pas tous ces pays d’être de grandes nations aujourd’hui grâce à la capacité de leurs enfants d’assumer leurs histoires sans complexe et d’avancer. Si un pays va de l’avant, c’est aussi grâce aux errements du passé, à condition d’avoir des dirigeants suffisamment patriotes, clairvoyants et soucieux du bien-être du peuple, pour ne pas renier le passé et faire du sur-place. »

« À en croire vos dires, le prochain 26 juin ne devrait pas être pour vous un jour de fête mais un jour de deuil. Si vous êtes logique avec vous-mêmes, ne faites donc pas de parade grandiose pour le cinquantenaire de l’indépendance mais comportez vous comme pour un 29 mars. Et tous ceux qui clament haut et fort que vous donnez ici une « leçon de patriotisme » devraient en faire de même. »

« Quant à vous monsieur le Premier Ministre, lorsque vous avez répété à la télévision, lors d’un point de presse, ce qu’avait dit monsieur le président, j’ai été personnellement surprise et attristée. Surprise car je connais le statut de vos parents sous la première république, que vous englobez aujourd’hui dans le lot des gens qui n’ont rien fait pour ce pays, et surtout votre appartenance à l’association pour le jubilé d’or de l’indépendance de Madagascar et du centenaire de Philibert Tsiranana, en tant que représentant pour l’ex-province de Tuléar, pas plus tard qu’avant votre nomination en tant que Premier Ministre. Que s’est-il donc passé entre temps pour que vous puissiez approuver de telles paroles, nonobstant le fait que le président de la HAT soit votre chef hiérarchique, vous n’êtes pas obligé de valider respectueusement tout ce qu’il prétend. Attristée, car le président de la HAT n’a pas connu la première république, mais vous, vous êtes né bien avant et vous étiez suffisamment conscient à cette époque là pour être témoin du fait que les malagasy étaient beaucoup plus prospères qu’aujourd’hui. D’ailleurs tous les agrégats économiques l’attestent. »

« Messieurs le Président et Premier Ministre de la HAT, bien que diriger un pays soit un exercice difficile, permettez moi de vous donner humblement un conseil : Si vous voulez marquer l’histoire, pesez vos mots, cela ne sert à rien de froisser et vous mettre à dos la moitié de la population, y compris celle qui vous était déjà acquise auparavant. »  (Source Madagascar-Tribune)

Publié dans Dans le courrier

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