Récit vécu de l'attaque du FIGN
rovahiga
Récit vécu de l'attaque du FIGN le 20 mai 2010
http://citoyennemalgache.hautetfort.com/archive/2010/05/20/citoyenne-s-en-va-t-en-guerre.html
En 1895, quand les français attaquèrent le palais de la Reine, depuis le Fort Duchesne, il a suffit de deux tirs de canon pour que les malgaches lèvent le drapeau blanc de la reddition. Aujourd’hui c’est le Fort Duchesne qui a été attaqué et il n’y avait pas qu’un seul coup, mais serait-ce encore la même guerre ? Par militaires interposés bien sûr…
Et évidemment, votre intrépide Citoyenne est encore allée faire sa militante du côté du Fort. Je ne savais pas trop ce que j’y suis allée faire mais la mobilisation a été très forte du côté des amis et de la famille. La première fois où il y avait le plus de monde parmi mes connaissances qui sont venus militer.
Récit troublé d’une journée mouvementée où j’ai été lacrymogénée à deux reprises.
10h25 : Fort Duchesne. J’arrive sur les lieux (rond point du mausolée), vers les premiers tirs, en passant par les petites rues. Deux gendarmes pas stressés du tout, dont un cagoulé, surveillent le passage et un petit barrage pitoyable qui n’interdit pas de passer mais plutôt de ne pas y faire des saletés, sous peine d’amende. OK, je passe sans faire les saletés (je suis une légaliste, voyez- vous).
Sur la place, c’était impressionnant le monde qu’il y avait. Au premier abord, on a l’impression de ne voir que des hommes, mais en circulant, on voyait beaucoup de femmes dont certaines avec leurs talons ! Courageuses… Les hommes étaient en train de faire un barrage avec un poteau, un peu plus sérieux que les branchages d’en bas.
A 30 m de moi, je voyais les gendarmes allongés qui tiraient. Ca tirait de plus en plus, mais personne ne bougeait. Incroyable ! Mais une fois, le son a changé… au lieu des coups secs de tac-tac-tac, c’était un pffiouuu sifflant… et là c’était la débandade : une balle qui a atteint le poteau à 10m de là où on était. L’ennemi se rapproche, nous sommes dans le champ de tirs, on décide de se replier. Mais on croisait des gens qui continuaient à affluer vers le Fort.
11h40. Antanimora. Nous sommes allés voir du côté des attaquantsmba hijerijery ny zava-misy. 4 camions de militaires, un camion de gendarmes, quelques 4x4 pick-up et beaucoup moins de monde. On était un peu loin pour apercevoir les éléments du Colonel Ravalomanana, mais un peu trop proche pour indisposer le militaire qui était là, juste à côté. Il a aboyé contre nous, nous intimant de quitter les lieux.
Quelqu’un faisait la remarque que ces attaquants avaient peur de se faire encercler et de se faire tirer dans le dos. Possible… des militaires sont parait-il infiltrés parmi les civils.
Comme nous étions un peu trop tenaces, ils nous ont poursuivis à coup de gaz lacrymogène. Le lacrymogène, ça pique les yeux, ça pique la gorge. Et quand on met de l’eau, ça soulage les yeux, mais ensuite ça pique la peau. On capitule, on se replie mais on reste campé sur le carrefour d’Ankorahotra.
11h50. Ankorahotra. Les gens sont très nerveux. 3 militaires continuent à garder l’accès de la route d’Antanimora pour éviter qu’on se rapproche. Les jeunes disent : ils ne sont que 3, on peut faire leur affaire, mais ils ne se risquent pas. Puis une voiture du FIS sort d’Antanimora : les gens leur lancent des briques et ceux qui sont dans la voiture ripostent en tirant 2 coups de feux. Quelques minutes plus tard, une voiture plaque verte passe (elle passait juste), et reçoit aussi des jets de briques… je suppose qu’elle était immatriculée 009.
Un peu plus tard…
On s’est installé un peu en hauteur pour voir ce qui se passe sur le carrefour. On regarde les mouvements des véhicules et on écoute les échanges de tir. On voit la voiture du FIS qui revient (un autre coup de feu pour intimider) avec une 4x4 et une ambulance, et remontent à Antanimora. Contrairement à celle de la Croix Rouge qui était déjà là, cette ambulance en question montera jusqu’au premier barrage (une personne importante à évacuer ? Serait-ce Lylison ? ) puis redescendre avec la 4x4.
De notre poste d’observation, on a vu la 4x4 s’arrêter au carrefour et les militaires qui étaient dedans sont descendus avec leurs armes à lacrymogène… pour disperser les gens, puisqu’apparemment ils craignaient surement une autre attaque à coup de briques. Je ne sais pas de quoi nous avions l’air sur notre poste d’observation, mais les malins, ils nous ont visés !
La bombe est tombée juste à côté, sur le balcon d’une maison dont les occupants ne s’attendaient sûrement pas à être enfumés ainsi. (cette maison n’est même pas au bord de la route). Re-pique et pique des yeux et de la gorge… en plus fort cette fois-ci.
On décide de rentrer, puisque de toute façon, on ne pouvait rien voir avec les yeux enfumés. Montée vers la rue d’Ankazotokana, en passant par les ruelles. Surprise… on y retrouve notre fameuse ambulance escortée par la 4x4 et deux militaires armés dans le bac arrière. Chose curieuse : ces militaires crânait, mais je voyais la peur dans leurs yeux. Ils étaient accrochés à leurs armes.
Puis quelques minutes après, on a vu 2 camions de militaires et une 4x4 rempli de militaires quitter Antanimora.
Bref, on ne sait trop ce qui se passe, mais on sait que ça se passe… Les rumeurs vont dans tous les sens, et les questions aussi :
· Le RFI et la BANI sont-ils avec le FIGN ou non ? Si oui, cela veut dire quoi ? Sinon, cela fait quoi ?
· 600 attaquants contre 20 FIGN ? En nombre, est-ce que cela ne se mange pas en 10 minutes ?
· Lylison gravement blessé ?
· Parait-il que l’EMMOREG voulait négocier alors que le FIS voulait attaquer.
· Est-ce que c’est le début d’une guerre ? Les autres militaires vont-ils prendre position ou se tasser car la HAT serait réellement la plus forte ? Mais alors, pourquoi on parle de la fuite des gens de la HAT hier s’ils sont les plus forts ?
· Des élements du FIGN seraient déjà en fuite… mais il parait que c’est pour faire une embuscade mais que personne ne s’est enfui.
Alors que je viens de terminer ce récit, TV Plus vient d’annoncer la prise du camp de FIGN à 17h45… ce qui clôt certaines questions, mais pas toutes…