Blogs: Droit à l'anonymat (Dossier)

Publié le par Guerric Poncet

INTERNET

BLOGS - Levée de boucliers en faveur du droit à l'anonymat

Tenir un blog est devenu une banalité sur Internet. Chacun peut librement s'exprimer sur ces outils de publication, véritables journaux personnels en ligne, qui sont devenus le symbole de la liberté d'expression à l'ère numérique. À tel point que le Parlement européen a récemment estiméqu'Internet était "essentiel pour l'exercice de la liberté d'expression et pour l'accès à la liberté d'information". Toutefois, face aux difficultés d'identification des auteurs de contenus illégaux, le sénateur Jean Louis Masson (non inscrit, ex-UMP) a déposé une proposition de loi visant à interdire l'anonymat des blogueurs sur Internet.

Les réactions n'ont pas tardé à fuser. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, estime que le projet est une "atteinte à la liberté d'expression" (voir son communiqué ci-dessous). Il rappelle par ailleurs que le dispositif légal "permet déjà de lever l'anonymat si nécessaire" et qu'une loi n'empêcherait pas les individus mal intentionnés de s'exprimer en toute impunité, car c'est "techniquement impossible". "Dans le secteur de l'édition, des auteurs s'expriment anonymement, tout comme certains blogueurs. Il faut respecter ce choix et cette liberté", ajoute Jean Arthuis.

L'anonymat positif face à l'anonymat négatif 

Une pétition a par ailleurs été lancée contre le projet de loi par des représentants de Wikio, de Canalblog, d'OverBlog, de Mozilla Europe, de Blogspirit et de La Quadrature du Net, qui estiment que les blogueurs qui choisissent l'anonymat le font pour des raisons liées à leur vie professionnelle ou personnelle. "Sans cet anonymat, beaucoup arrêteraient de bloguer", ajoutent-ils. 

La plate-forme OverBlog, mastodonte du blog en France, en rajoute une couche : "Nous pouvons assurer qu'obliger nos concitoyens à révéler aux internautes leur identité au même titre qu'un professionnel n'est pas une solution envisageable", explique Nicolas Poirier, responsable juridique de la société. Selon lui, "il est aujourd'hui impossible, à partir des informations communiquées par un internaute, d'avoir la certitude absolue que l'identité qu'il a communiquée est réelle". Le dirigeant d'OverBlog rappelle par ailleurs qu'il est "beaucoup plus aisé de faire publier un droit de réponse sur un blog que sur un quelconque site de presse classique". La Chine, qui n'a rien de comparable avec la France à ce jour, a essayé de mieux identifier ses internautes, et a dû se résoudre à leur demander de se rendre physiquement dans un bureau d'enregistrement avec leurs papiers d'identité.

"Je veux que chaque blogueur, fût-il anonyme, assume la responsabilité de ses propos", plaide, de son côté, Jean Louis Masson auprès d' un blogueur (non anonyme !) venu l'interroger. "Un blog, c'est l'équivalent d'un journal dans la presse écrite. (...) La réglementation applicable à la presse écrite doit s'appliquer aux blogs", poursuit-il. Par le passé, le sénateur s'est déjà rendu célèbre en demandant l'allongement du délai de prescription pour les injures et diffamations commises via Internet. 

L'agacement des hommes politiques face aux critiques incessantes dont ils font l'objet sur le Web, particulièrement pendant les campagnes électorales, les pousse à vouloir encadrer le réseau. D'ailleurs, Jean Louis Masson évoque dans la même interview les dernières élections municipales à Metz, en 2008 : "lorsque l'on a des gens malhonnêtes [...] il faut qu'il y ait à un moment donné des responsables", explique-t-il. Selon lui, "s'il y avait eu des règles un peu plus contraignantes", "un député UMP" aurait "été l'objet de poursuites pour diffamation au moment des élections municipales à Metz". De là à penser que le sénateur assimile la liberté d'expression sur Internet aux désagréments des campagnes électorales, il n'y a qu'un pas. 

Par Guerric Poncet

Source :   http://www.lepoint.fr/

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